Introduction à la littérature numérique

Le développement des ordinateurs puis d’internet ont permis l’émergence de formes littéraires tirant profits des nombreuses possibilités offertes par les outils numériques. Il devient possible de sortir de la linéarité du livre, à l’aide de liens : un mot peut mener à une nouvelle page, sans que l’on puisse prévoir sur quel mot les lecteurs et lectrices vont cliquer. L’ordinateur permet également facilement de mêler texte, image, vidéo et son, dans des vidéos-poèmes par exemple où images et textes s’entremêlent.

Internet facilite le partage de textes et la création de projets où les statuts du lecteur et celui de l’auteur ne sont plus aussi étanches. Au moment de la lecture d’un article de blog, de forum ou sur un réseau social, il devient possible de réagir, de proposer des améliorations ou même une suite au récit. L’œuvre devient alors collaborative. Le "Madeleine Project" (voir fiche pédagogique) a été lancé sur Twitter par Clara Beaudoux, il a ensuite donné lieu à de nombreux tweets par de multiples internautes. Clara Beaudoux a créé un dialogue et des participations autour de son récit.

L’écran tactile du smartphone permet de réinventer la posture du lecteur et de proposer de nouveaux gestes de lecture. Depuis les années 1980, de plus en plus d’écrivains explorent ces possibilités pour créer des objets hybrides, qui s’étendent hors du livre, proposant une définition renouvelée de la notion d’œuvre littéraire.

La littérature nativement numérique est une forme littéraire où le rôle du numérique est constitutif de l’œuvre, celle-ci ne peut être directement transposée au format papier . Elle diffère de la littérature numérisée qui est le résultat d’une mise en version numérique d’œuvres initialement publiées sous forme de livre, que ce soit sous format PDF ou avec des éditions en ligne augmentées.

Quelques formes de littérature numérique

Ce chapitre est basé en grande partie sur  Bootz, Philippe. « Chapitre VI. La littérature numérique en quelques repères ». Lire dans un monde numérique, édité par Claire Bélisle, Presses de l’enssib, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pressesenssib.1095.

Poésie combinatoire

Ce champ de la poésie marche dans les traces de l’OuLiPo et de l’écriture à contrainte : le code informatique permet de travailler en générant des textes aléatoirement, mais en respectant un certain nombre de contraintes. Le but n’est pas forcément de produire de beaux poèmes, mais d’explorer un potentiel de possibilités, de réfléchir au rôle de l’auteur et au rôle de la machine. Ces vers aléatoires peuvent servir d’inspirations à de futures productions, ils laissent également beaucoup de place à l’interprétation pour les lecteurs et lectrices, qui peuvent insérer la dimension poétique. Le code informatique est partie intégrante de l’œuvre finale.

À titre d’exemple La Machine à Ecrire de Jean Baudot (1964) est constituée de phrases générées aléatoirement à partir d’un corpus de livres pédagogiques pour enfants de 10 ou 11 ans. Le format final est le livre, car il reste alors le seul support possible de publication, il reste encore aujourd’hui le support privilégié. Son rôle demeure central dans la légitimation des auteurs et autrices.
 

 

Fiction hypertextuelle

Ces textes profitent de la technologie des hyperliens, permettant de lier des blocs de textes ou des pages web entre elles. Les lecteurs et lectrices ne sont plus obligées de suivre le récit dans un ordre fixe et peuvent explorer l’œuvre au gré de l’activation des différents liens présents, ce qui peut constituer une perte d’autorité de l’auteur ou de l’autrice. La fiction hypertextuelle se situe dans la continuité des expérimentations narratives amorcées notamment avec le Nouveau Roman.

 

 Littérature animée

On parle de littérature animée lorsque les mots et les lettres se déplacent sur l’écran : changement de couleurs, d’opacité, déplacement, disparition … Ces effets de style sont une partie intégrante du sens de l’œuvre et créent sa spécificité.  Le texte est dans un état transitoire, instable, qui échappe sans cesse aux lecteurs et lectrices. Il n’est pas possible de choisir le rythme de lecture, celui-ci nous est imposé par l’outil.
Aujourd’hui, YouTube accueille un univers de vidéo-poètes très dynamique, ce sous-champ de la littérature animée est souvent qualifié de « littératube » .

 

L’écriture en réseaux

Que ce soit sur des blogs, des forums ou sur les réseaux sociaux , toute une partie de la littérature numérique actuelle se distingue de la littérature papier par la collaboration et la communication instantanée : les auteurs et autrices interagissent, au sein de communautés d’écriture mais aussi avec les lecteurs qui commentent et partagent les œuvres.

Ces créations sont souvent l’occasion de détourner les usages attendus d’internet et de nous faire réfléchir à notre rapport à certains médias, avec par l’exemple la création de profils fictifs sur des réseaux sociaux. Dans les années 2000 et 2010, de nombreux auteurs et autrices ont partagé leurs textes sur des blogs. Ils existent encore aujourd’hui, mais la communauté est moins dynamique. On retrouve notamment François Bon et son site tierslivre.net, dont le travail a contribué à légitimer l’étude de la littérature numérique à l’université.

Pratiques adolescentes

Les adolescents et les adolescentes sont très nombreux à lire en ligne, notamment sur le site Wattpad, qui est un géant des sites littéraires, et qui accueille des millions de textes, les autrices sont en grande majorité des jeunes filles de 15 à 25 ans. Webtoon est également très populaire, il s’agit d’un site sur lequel sont publiés des bandes dessinées et notamment beaucoup de mangas. Tous les réseaux sociaux accueillent des projets d’écriture de fiction, mais Instagram est particulièrement dynamique aujourd’hui, avec notamment une communauté importante autour du partage de textes poétiques.

Bibliographie

 

Sites ressources

Ouvrages

  • Bélisle, Claire, Philippe Bootz, et Raja Fenniche Daoues. 2013. Lire dans un monde numérique état de l’art. Villeurbanne: Presses de l’enssib.
  • Bonnet, Gilles. 2017. Pour une poétique numérique: Littérature et Internet. Paris: Hermann Glassin.
  • Rettberg, Scott. 2019. Electronic Literature. Polity Press. Cambridge. (En anglais)
  • Saemmer, Alexandra. 2019. Fondements théoriques d’une rhétorique du texte numérique. Rhétorique du texte numérique : Figures de la lecture, anticipations de pratiques. Papiers. Villeurbanne: Presses de l’enssib. http://books.openedition.org/pressesenssib/3924.

Articles scientifiques disponibles gratuitement en ligne

  • Guilet, Anaïs. 2020. « Les pratiques d’écriture amateures sur le Web, une paralittérature numérique ? » In Plateformes d’écriture en ligne. Des communautés littéraires nativement numériques. Lyon, France: Marie-Anaïs Guégan. https://hal.science/hal-04191746.

  • Lata, Marion. 2017. « Fan fiction. Une introduction (à l’usage des débutants) ». Atelier de Fabula (blog). Équipe de recherche Fabula, École Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, 75230 Paris Cedex 05. 2017. https://www.fabula.org/ressources/atelier/?Fan_fiction_Une_introduction.

Articles de recherche en pédagogie

  • Barrier, Sylvie, et Christelle Sospedra-Tessier. 2019. « Enseigner l’écriture collaborative dans le secondaire ». https://www.afef.org/.
  • Brunel, Magali, et Serge Bouchardon. 2020. « Enseignement de la littérature numérique dans le secondaire, une étude numérique ». Revue de recherches en littératie médiatique multimodale 11 (septembre). https://doi.org/10.7202/1071476ar.


Articles dans les médias

Œuvres citées

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